Dans leur refuge de Trets, les naufragés de la route disent leur colère [ 28/02/2001 - 16:15 ]

TRETS (AFP) - Les naufragés de la route recueillis en urgence à Trets (Bouches-du-Rhône) disaient tout haut leur colère mercredi contre ceux qui les ont "jetés dans la gueule du loup", en premier lieu la société autoroutière, coupable à leurs yeux de leur avoir fait passer jusqu'à 12 heures dans leur voiture. "Ils nous ont laissés rentrer sur l'autoroute alors qu'elle était bloquée. Escota (la société d'autoroute) a été en-dessous de tout", se lamente Rica, 50 ans, coincée dans sa voiture vers 18H00 mardi, alors qu'elle se rendait d'Aix à Nice. Vers 06H00 mercredi, après "une nuit d'enfer dans le froid, sans pouvoir boire ni manger, les pompiers sont arrivés, ont réussi à nous faire faire demi-tour et à nous conduire" à la salle des fêtes transformée à la hâte en centre d'accueil à minuit. Rica y a passé le peu qui restait de la nuit avec 300 compagnons d'infortune qui, comme elle, étaient restés bloqués de longues heures dans leur véhicule avant d'être secourus par des pompiers pourtant débordés.

Céline, 32 ans, partie en ambulance de l'hôpital à Marseille pour regagner son domicile à Brignoles avec son fils de sept ans, a passé "15 heures à geler". "Mon fils me disait: J'ai froid, je vais mourir. C'était horrible. Il n'a retrouvé son sourire qu'au centre". La plupart des automobilistes pris au piège dissimulaient à peine leur écœurement devant le "manque de coordination entre les services" et "l'absence totale d'informations". "On savait depuis le matin qu'il allait neiger fort", raconte Stéphane, militaire de 28 ans. "J'avais le choix entre prendre une nationale et l'autoroute, et au péage on m'a laissé entrer". Pour lui, comme pour Rica, Escota est la première responsable. "On nous a tous jetés dans la gueule du loup", accuse Céline. Nadine Bauer, porte-parole d'Escota, invoquait une "conjonction de facteurs". Ainsi, a-t-elle rapporté, "à 22h00, la foudre est tombée sur un générateur endommageant les systèmes de transmission d'image et de communication radio. On ne pouvait pas voir la situation et nos équipes sur place étaient sans consignes du PC". "On a demandé à 21h30 à la préfecture d'intervenir par arrêté pour couper l'autoroute. La décision a été prise à partir de 22h30", a-t-elle ajouté.

Nadine Bauer montrait aussi du doigt les poids-lourds "qui n'ont pas tous respecté les consignes": "Au lieu de se stocker sur les aires, certains ont décidé d'avancer quand même et se sont retrouvés en travers de la chaussée". Seuls les pompiers, qui ont "travaillé toute la nuit pour nous", trouvaient grâce aux yeux des naufragés de Trets qui remerciaient également élus et personnels communaux pour leur "accueil extraordinaire". Certains naufragés ont organisé spontanément une collecte pour la commune. Le maire Roger Tassy a d'abord refusé en évoquant le devoir naturel de "solidarité". Il a ensuite accepté au nom de l'association des personnels communaux. "J'espère simplement que les gens pourront partir d'ici ce soir", disait-il.
En début d'après-midi mercredi, quelques dizaines de personnes ne savaient toutefois toujours pas comment ni quand elles allaient rentrer. Pour sa part, Jean-Pierre, qui habite Saint-Maximin, a décidé de "rentrer à pied". En voiture, il aurait mis un quart d'heure. En marchant dans la neige, il lui faudra trois heures.