On continue notre rubrique quotidienne "LE TRETS GLAUQUE" consacrée à 2 siècles de faits divers. Notre Doloréan Policière nous emmène aujourd'hui en 1923 sur une affaire de vol de billets mystérieuse voir magique digne d'Ocean Eleven ou du film Les Insaisissables…

A noter une formulation des phrases ou certains mots, en particulier le début; assez difficiles à comprendre vu le langage de l'époque...

150 billets de 1.000 francs partis de Marseille pour Trets se transforment en cours de route en vieux journaux
Comment en un plomb vil l’or pur s’est il changé, ou plutôt, car l’or est passé à l’état de mythe, comment en vieux journaux les billets de banque se sont-ils changés ?... Telle est la question que se posent, depuis hier matin, la direction de la Compagnie des Mines de la Grand'Combe à Trets,la direction du P.-L.-M., la direction du Crédit Lyonnais à Marseille, et à laquelle essaient de répondre la gendarme rie de Trets et la 9 e brigade mobile.

Un Sac à Charbon et un vieux Journal
Chaque quinzaine, en effet, la direction des Mines de la Grand’Combe reçoit, à Trets, du Crédit Lyonnais (agence de Marseille), par le P.-L.-M., un group contenant la somme nécessaire pour le paiement des ouvriers. On sait en quoi, consiste un group ; c’est un envoi de numéraire par sac dûment ficelé et cacheté au sceau de l’expéditeur. A l'arrivée de ce group en gare de Trets, il est d’usage, depuis que les bandits font parler d’eux, que plusieurs employés aillent en prendre livraison et le portent, escortés par des gendarmes, à la direction des Mines.

Un envoi de 150.000 francs ayant été fait, vendredi, l'impressionnante cérémonie de la livraison et du transport du group avait lieu, hier matin, à Trets. Le précieux sac fut apporté dans le bureau du caissier de la Compagnie des Mines de la Grand’Combe, M. Négrel, qui, après l’avoir examiné et constaté que ficelles et cachet étaient intacts, se mit aussitôt en devoir de l’ouvrir...

Hélas ! quelle ne fut pas la surprise du caissier, lorsqu’il constata que les 150.000 francs en billets de banque, qui lui avaient été annoncés, avaient disparu. Le group ne contenait qu'un vieux sac à charbon enveloppé dans un journal daté du 13 avril... Les 150.000 francs avaient été volés. M. Négrel demeura un instant stupide devant le sac à charbon, puis il fit prévenir le directeur et aviser la gendarmerie. On examina alors minutieusement l’enveloppe du group. C’était un sac semblable à ceux reçus précédemment. Le cachet, qui était absolument intact, était bien le cachet de l’agence de Marseille du 'Crédit Lyonnais. L’adresse était de l’écriture habituelle... Il était impossible que, en le recevant des mains de l’employé du P. -L. -M., les employés de la Compagnie des Mines eussent leur méfiance éveillée.


Comment la Substitution s’est-elle opérée?
Une enquête fut aussitôt ouverte. La brigade mobile fut avisée téléphoniquement. Mais cette enquête n’a donné encore aucun résultat positif, de telle sorte qu’on en est réduit aux hypothèses. Le vol a pu être commis de deux façons : ou bien le group a été vidé de son contenu, qui a été remplacé par le sac à charbon et le vieux journal, ou bien le group contenant l’argent a-t-il été tout simplement subtilisé et remplacé par le faux group arrivé à Trets. La première hypothèse ne paraît, pour l’instant, pas très acceptable» car le cachet qui scellait l’envoi était intact. Au contraire, il semble que l’hypothèse de la substitution totale d’un faux group au véritable doive avoir les plus grandes chances d’être la bonne. Mais, dira-t-on, encore faut-il que le voleur ait pu se procurer un sac semblable à l’autre et le cachet du Crédit Lyonnais ?... Cela n’est pas impossible.

En effet, à chaque fois qu’un group arrive à Trets, il est vidé de son contenu par le caissier et le sac vida est réexpédié au Crédit Lyonnais, à Marseille, qui s'en sert pour des envois ultérieurs. Plusieurs de ces sacs, portant l’adresse de la Compagnie des Mines, à Trets, sont ainsi en service. Un de ces sacs a-t-il été égaré ou dérobé et a-t-il servi à confectionner un group exactement pareil à celui expédié, avant-hier, par Marseille ?... Il semble que la clef de l’affaire est dans cette question.

Où la substitution s’est-elle opérée ? C’est à répondre à ces questions que s'attache la brigade mobile, depuis hier après-midi. Mais le travail qu’elle a entrepris est d’autant plus difficile que les banques étaient fermées hier après-midi et que les renseignements sur les diverses manipulations qu’a subies le group, depuis le Crédit Lyonnais jusqu’à la gare de Trets, sont, de ce fait, difficiles à obtenir.

Le Petit Marseillais 15 avril 1923


Les suites de l'affaire...
Le Vol de 150.000 francs de Trets On sait comment ce vol extraordinaire fut constate, il y a quelques jours, après l’arrivée d’un train à Trets ; mais les circonstances dans lesquelles il fut commis demeurent inexplicables, du moins, pour l’instant. La brigade mobile, avisée du vol dès le premier jour, avait à préciser à quel moment la substitution du paquet précieux avait été opérée, puis à recueillir le plus de renseignements concernant le ou les coupables. Dans ce but plusieurs inspecteurs ont, effectué à Trets, Gardanne. et quelques autres localités. les recherches les plus minutieuses. Le résultat de ces recherches a fait, l’objet d’un rapport spécial, que M. Dutrèy, l’habile commissaire divisionnaire, a transmis aussitôt au Parquet d’Aix. chargé de l’instruction. Aucune arrestation n’a été opérée encore. Mais la marche de l'enquête permet d’espérer une solution très prochaine de cette affaire importante.
Le Petit Provençal 18 avril 1923


LA BRIGADE MOBILE OPERE UNE ARRESTATION
La conviction de M. Dutrey est formelle : c’est cet employé qui, avec l’aide d’une complicité, substitua au sac contenant l’argent un sac identique, mais qui ne renfermait plus qu’un vieux journal et du charbon. Ecoutons M. Dutrey : « Le groupe fut préparé par le garçon de recettes, le matin. A midi, il remet le sac au caissier. A 4 heures, l’employé — qu’accompagne un autre employé du nom de Camugli est prié d’aller faire l’expédition au bureau du P.-L.-M., de la rue Grignan. On pèse le sac : il accuse 1 kilo 600. Le sac va à la gare Saint Charles et, de là est emporté vers Trets, où l’on s’aperçoit du vol. » — Où sont les preuves de la culpabilité du garçon de recettes ? demandons-nous. « — Après deux journées d’enquête, j’ai dû abandonner, nous dit M. Dutrey, l’hypothèse que le vol avait été commis en cours de route, durant le trajet suivi par le group, du bureau expéditeur à Gardanne et Trets. La substitution, car il y a bien eu substitution, a été faite à Marseille. Le sac qui arriva au guichet de la rue Grignan ne contenait déjà plus les 150.000 francs.

D’autre part, le garçon de recettes, arrêté, a déclaré n’avoir, de la banque au bureau d’expédition, cédé son précieux sac à personne. Sur ce point, le doute ne semble pas possible. Or, un Fait est à retenir : le sac, la ficelle, la cire du cachet, sont les mêmes que ceux employés couramment par la banque . Un fait encore et plus grave : nous avons pesé, nous explique M. Dutrey, un group contenant le contingent des valeurs expédiées à Trets. ce groupe pesait exactement 2 kilos 700, soit 1 kilo 100 de plus que celui expédié par le Crédit Lyonnais. » Nous n’ajouterons aucun commentaire à ces déclarations. Le garçon de recettes incriminé été présenté, hier matin, au juge d’Aix, chargé de l’instruction de cette affaire. Le juge, acceptant le point de vue de M. Dutrey, a gardé l’employé soupçonné à sa disposition.
Le Petit Marseillais 19 avril 1923
Photo : Les amis du village


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